EXCURSUS SUR LES JEUX DE HASARD

EXCURSUS SUR LES JEUX DE HASARD A L’INTENTION DU GROUPE DE

La vie économique revêt une morale : morale de la vie économique. Sans cette morale, les échanges économiques deviendraient moins humains (s’ils ne le sont pas). Deux grands préceptes gouvernent la morale de la vie économique :

- ne cherche pas à t’enrichir

- si tu as, c’est pour donner.

Faire l’approche de ces grands principes c’est offrir une aide à la conscience du chrétien, pour qu’il puisse, non seulement trouver son chemin, mais aussi identifier les structures de péché qui sont à l’œuvre actuellement, et enfin repérer dans quelle direction elles doivent être transformées. Pour cette fois-ci, je me contenterai de vous parler du précepte « ne cherche pas à t’enrichir » en lien avec le jeu de hasard.

NE CHERCHE PAS A T’ENRICHIR[1]

« Ne cherche pas à t’enrichir » est un précepte moral qui trouve difficilement sa place aujourd’hui dans l’activité économique des individus et des groupes. Nous chercherons ici à préciser le sens de ce précepte pour éviter, autant que possible, les équivoques qui peuvent en limiter la juste compréhension et l’application correcte. Nous aurions pu par la suite développer l’évaluation morale de la recherche des avantages économiques dans une perspective chrétienne en discutant les modes légitimes et illégitimes d’acquisition de la propriété. Mais nous nous pencherons directement sur le jeu de hasard. Peut être que si cela vous intéresse, je pourrai revenir à travers un autre entretien sur ces éléments.

1.      Signification du précepte

Pour le chrétien, l’unique bien désirable en soi est le Seigneur. L’accumulation des richesses, seulement dans le but d’avoir plus, est un choix qui ne peut se situer en aucune façon dans l’horizon de la foi. Chercher à s’enrichir signifie ici chercher à avoir plus tout simplement parce qu’il faut avoir plus. Dans ce sens, la maxime générale – Ne cherche pas à t’enrichir – se réfère à quelqu’un qui a déjà quelque chose. Et les mots « richesses » et « s’enrichir » n’indiquent pas forcément de grandes richesses, mais simplement la possession de biens et l’activité pour accroître les biens possédés. Même le petit commerçant qui cherche à vendre au prix le plus élevé possible est quelqu’un qui cherche à s’enrichir. « S’enrichir » et « richesse » ne sont donc pas liés à de grandes disponibilités de biens, mais à une disposition intérieure : la soif excessive de l’avoir comme fin en soi.

2.      Le jeu de hasard

Un comportement difficilement compatible avec l’Evangile est cette forme particulière de contrat aléatoire qu’est le jeu de hasard sous toutes ses formes. Loterie, PMU/B, Jackpot, activités de casino et des choses semblables, sont des comportements dans lesquels celui qui agit ne cherche rien d’autre que d’avoir plus, en risquant quelque chose qui lui appartient, mais en ne faisant rien qui puisse ressembler à un travail honnête ou d’utilité sociale. Malheureusement, un tel comportement est considéré aujourd’hui comme tout à fait normal, et socialement approuvé. Il suffit de penser à la diffusion impressionnante et à la médiatisation excessive des pratiques comme le PMU/B et le Jackpot dans notre pays, pour s’en convaincre. Cela indique tout simplement que la force du message évangélique s’est vraiment affaiblie.

Cependant, on doit reconnaître aussi que le hasard (l’aléatoire) en soi, ou le fait de risquer, a son attraction propre, indépendamment de la volonté de s’enrichir. Mais alors, dans ce cas précis, celui qui gagne à ces jeux devrait donner son gain aux pauvres.

On doit reconnaître également que beaucoup de pauvres recourent à un tel comportement pour chercher à résoudre, par un coup de chance, des situations désespérées, très pesantes et inhumaines. Dans ce cas, il n’y a rien de mal à recourir à cette pratique, quand il n’y a pas d’autre voie plus honnête de chercher à se procurer des conditions de vie que la société n’est pas en mesure d’assurer.

Mais en dehors de ces cas raisonnables, les jeux de hasard en général signifient l’intensité de la soif de s’enrichir à peu de frais et sans effort. Dans tous les cas, il s’agit de risquer de l’argent qu’on possède déjà, et qui va au-delà du nécessaire et de l’utile, dans le seul but de le voir se multiplier. Mais de l’argent qui va au-delà du nécessaire et de l’utile est de l’argent qui doit et peut toujours être employé pour le bien de la communauté et les pauvres.

En dehors de ces cas très particuliers, et pour les motifs ci-dessus avancés, il faut retenir que le chrétien doit se refuser catégoriquement à un tel type de choix économique. Même quand, pour une raison ou une autre, le jeu de hasard ne se présente pas comme un péché grave (Ex. : la très petite quantité de somme mise en jeu), il subsiste toujours le devoir moral de prophétie ; c'est-à-dire l’obligation d’annoncer, par toute sa vie et ses choix (économiques), un Evangile qui exclut toute recherche de la richesse comme valeur en soi.

Ce petit excursus nous a permis de nous rendre à l’évidence de ce que l’Eglise donne comme ligne de conduite à ses enfants face aux richesses en général et au jeu de hasard en particulier. D’aucuns pourraient penser à une « dureté » de la part de la mère Eglise. Mais non ! A toutes fins utiles, n’oublions pas que la loi n’a pas pour but ultime d’écraser ou de subordonner. Au contraire, la loi ecclésiastique vise à accorder une plénitude de vie à l’homme. Car « à quoi sert à l’homme de gagner tout l’univers s’il se perd lui-même ? » (Lc 9, 25)

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[1] Cf. Abbé Valentin DABIRE, Cours de Morale Sociale et Politique, GSSJB Ouagadougou, Année Académique 2007-2008.